Une
figure singulière
Georges
Pichard (1920-2003) est une figure incontournable de la bande dessinée
érotique, connu pour son style graphique raffiné et ses thèmes audacieux. En
explorant des sujets tels que la domination, la soumission et la transgression,
il a brisé les conventions artistiques et culturelles de son époque. Souvent
critiqué pour l’érotisme explicite de ses œuvres, il est aujourd’hui reconnu
comme un artiste en avance sur son temps, dont les créations continuent
d’influencer le monde de la bande dessinée et de l’art.
Georges
Pichard est un dessinateur et scénariste de bande dessinée né en 1920 et décédé
en 2003. Classé parmi les principaux représentants de la bande dessinée pour
adultes, Pichard aime surtout mettre en scène des femmes bien en chair aux
prises avec l’adversité, comme Blanche Épiphanie, Ténébrax, Paulette, Caroline
Choléra, et surtout Marie-Gabrielle de Saint-Eutrope, album réédité par Glénat
en 2009.
Parcours artistique : Un cheminement audacieux
Diplômé
des Beaux-Arts de Paris, Georges Pichard commence sa carrière comme professeur
d’arts plastiques. Pendant plusieurs années, il exerce dans un cadre
conventionnel, enseignant les bases du dessin et de l’illustration. Cependant,
son intérêt pour l’art érotique et la narration graphique le pousse à explorer
d’autres voies.
Dans les
années 1960, il rejoint des magazines tels que Pilote et Hara-Kiri, connus pour
leur ton provocateur et satirique. Sa rencontre avec Georges Wolinski marque un
tournant dans sa carrière, donnant naissance à des collaborations fructueuses
comme la série Paulette.
Anecdote
: Durant ses années d’enseignement, Pichard menait une double vie artistique.
Sérieux et respecté par ses élèves, il travaillait en parallèle sur des dessins
érotiques qu’il gardait secrets avant de les publier.
Style et
thématiques : Une signature unique
Le style
graphique de Georges Pichard est immédiatement reconnaissable. Inspiré par
l’Art déco et la ligne claire, il développe un trait élégant et précis, mêlant
esthétisme et audace. Ses dessins se caractérisent par une attention délicate
aux détails, que ce soit dans les drapés des vêtements ou les motifs
géométriques des décors.
Sur le
plan thématique, Pichard explore des sujets tels que la domination, la
soumission, et le fétichisme, souvent dans des cadres historiques ou
fantastiques. Ses récits reflètent un mélange d’érotisme et de critique
sociale, mettant en lumière les rapports de pouvoir dans des contextes
exagérés.
Anecdote
: Pichard considérait que l’érotisme était une forme d’art totale, permettant
d’explorer les limites de la liberté artistique tout en provoquant une
réflexion chez le spectateur.
Œuvres majeures : Entre érotisme et satire
"Paulette"
: Créée en collaboration avec Georges Wolinski, Paulette est une héroïne
libertine et provocante, symbole de l’émancipation sexuelle des années 1970.
Anecdote
: Paulette fut accueillie comme une icône féministe par certains, malgré ses
situations souvent grotesques ou érotico-burlesques.
Jeune et
jolie femme, Paulette Gulderbilt est une riche héritière qui s'ennuie.
Accompagnée de son vieil ami Joseph qui a été transformé en une désirable femme
par une taupe possédant des pouvoirs magiques, Paulette va vivre un tas
d'aventures excitantes.
Avec
cette histoire un peu légère et propice à dévoiler les charmes de la jolie
Paulette, les auteurs jouent sur la carte érotique mais au-delà en profitent
pour intégrer à leurs histoires parfois rocambolesques la situation politique
française, le communisme ou encore la guerre du Viêt Nam.
"Marie-Gabrielle
en Orient" : Ce récit plonge le lecteur dans un monde orientaliste
fantasmé, où l’asservissement sensuel est au cœur de l’intrigue.
Anecdote
: Le succès de cette bande dessinée a surpris son éditeur, qui craignait
initialement des problèmes de censure.
"L’Empire
des sens" : Inspiré des pratiques BDSM, ce récit explore les limites du
pouvoir et du désir dans des contextes souvent extrêmes.
Réception
et controverse : Entre admiration et censure
Les
œuvres de Pichard ont suscité de nombreuses controverses à leur époque.
Certaines furent censurées ou interdites, jugées trop explicites pour un large
public. Cependant, elles ont également attiré l’attention des cercles
intellectuels, qui voyaient dans ses dessins une critique sociale voilée sous
des thèmes érotiques.
Anecdote
: En 1974, Marie-Gabrielle en Orient a même été cité au Parlement français dans
des débats sur la permissivité culturelle.
L’héritage : Une reconnaissance tardive
Après sa
mort, l’œuvre de Georges Pichard a été réévaluée et reconnue pour sa portée
artistique. Des rétrospectives et des rééditions de ses bandes dessinées ont
permis de présenter son travail à une nouvelle génération de lecteurs.
Anecdote
: En 2001, une rétrospective organisée à Paris a souligné l’influence de
Pichard sur l’érotisme contemporain, plaçant son travail aux côtés de grands
artistes comme Manara ou Crepax.
Conclusion
Georges
Pichard a su défier les conventions artistiques et sociétales, créant une œuvre
qui transcende le simple érotisme pour atteindre une dimension artistique et
critique. Aujourd’hui encore, il reste une référence incontournable pour
quiconque s’intéresse à l’art érotique et à la bande dessinée transgressive.