Je suis l’ombre parmi les ombres, Madame Tout-le-Monde,
Oui celle que vous croisez sans
jamais vraiment voir.
Ni belle
ni laide, juste un visage anodin, une silhouette banale que le monde ignore.
Une femme ordinaire, pourrait-on croire. Pourtant, sous cette carapace
d’apparences se cache une créature dévorée par des pulsions secrètes et des
désirs que nul n’oserait deviner.
Je suis
celle que vous apercevez au détour d’un rayon de supermarché, ou promenant ses
chiens sur un sentier solitaire. Une vie qui semble simple, banale. Mais une
fois les volets clos et les ténèbres tombées, c’est une autre femme qui renaît.
Une femme libre, indomptée, révoltée par la fadeur du quotidien. Une femme qui
embrasse ses interdits avec une ferveur dévorante, ses désirs lubriques, ses
fantasmes noirs.
Je suis
une invisible aux envies effrayantes. Une âme licencieuse qui explore
l’alphabet des perversions, de A à un Z que vous n’oseriez imaginer.
Je parle
à d’autres ombres comme moi, des hommes et des femmes aux plaisirs
insoupçonnés, eux aussi prisonniers de leurs nuits solitaires. Et dans ces
échanges, je m’ouvre à ma propre folie, me gode, me tourmente, me perds dans
des jouissances que la plupart fuirait avec effroi.
Ma
réputation ? Détestable, bien sûr. On se méfie des solitaires, de ceux qui ne
se mêlent pas aux autres, de ceux qui préfèrent le murmure de leurs propres
pensées à la cacophonie sociale. Mais ma solitude n’est pas une prison : elle
est mon choix, mon abri. Car comment pourrais-je vivre autrement dans un monde
où mes plaisirs suscitent la honte et le dégoût ?
Je suis
une âme tourmentée, oui. Une créature qui se fouette de ses propres mains, qui
s’abandonne aux douleurs délicieuses d’accessoires que j’ai soigneusement
choisis pour amplifier mes extases. Une femme qui s’écorche et jouit en
silence, par honte peut-être, mais aussi par délectation. Ma rareté est ma
malédiction : trop peu sont ceux qui pourraient me comprendre, encore moins
m’égaler.
Un jour
peut-être, qui sait… un démon pervers croisera mon chemin.
Un être
aussi sombre, aussi dévoré que moi. Il saura me faire mal, mais je le blesserai
aussi. Car si je suis masochiste, je suis également sadique, et j’assume cette
dualité. Il faudra qu’il me brise pour me conquérir, et que je l’écrase pour
l’aimer.
Je suis
invisible, mais dans les ténèbres, je deviens une reine. Une femme qui vit ses
vérités, qui embrasse ses vices, qui se nourrit de ses douleurs et de ses
jouissances pour exister pleinement.
Alors
regardez-moi bien, la prochaine fois que vous croisez une silhouette banale
dans la rue. Peut-être que derrière ce visage sans histoire se cache une âme
comme la mienne.
©
copyright Marc Vongotha 63