A une Robe Rose
Que tu me
plais dans cette robe
Qui te
déshabille si bien,
Faisant
jaillir ta gorge en globe,
Montrant
tout nu ton bras païen !
Frêle
comme une aile d'abeille,
Frais
comme un cœur de rose-thé,
Son
tissu, caresse vermeille,
Voltige
autour de ta beauté.
De
l'épiderme sur la soie
Glissent
des frissons argentés,
Et
l'étoffe à la chair renvoie
Ses
éclairs roses reflétés.
D'où te
vient cette robe étrange
Qui
semble faite de ta chair,
Trame
vivante qui mélange
Avec ta
peau son rose clair ?
Est-ce à
la rougeur de l'aurore,
A la
coquille de Vénus,
Au bouton
de sein près d'éclore,
Que sont
pris ces tons inconnus ?
Ou bien
l'étoffe est-elle teinte
Dans les
roses de ta pudeur ?
Non ;
vingt fois modelée et peinte,
Ta forme
connaît sa splendeur.
Jetant le
voile qui te pèse,
Réalité
que l'art rêva,
Comme la
princesse Borghèse
Tu
poserais pour Canova.
Et ces
plis roses sont les lèvres
De mes
désirs inapaisés,
Mettant
au corps dont tu les sèvres
Une
tunique de baisers.
Théophile GAUTIER
1811 -
1872